Le résistant Gilles Martinet est mort
Homme de presse et figure de la gauche, il est décédé hier, à 89 ans.
par Pascal VIROT
QUOTIDIEN : jeudi 30 mars 2006
C'est un homme profondément de gauche. Et plus que cela. Gilles Martinet, décédé hier à l'âge de 89 ans, s'est voulu une passerelle tentant de joindre les deux rives de la gauche, celle jacobine et mitterrandiste à celle girondine et rocardienne. Un cheminement inachevé, comme il le relate dans son ultime ouvrage, l'Observateur engagé, publié en 2004.
L'engagement, c'est d'abord celui de la Résistance à l'occupant nazi, dans laquelle il plonge dès 1940, à l'âge de 24 ans. Journaliste avant-guerre, il libère, les armes à la main, ce qui deviendra l'Agence France-Presse, dont il fut cofondateur : «Arrivé dans la grande salle de rédaction (...), je prononçais la phrase attendue : "Au nom de la République française, je prends la direction de l'agence."» Son engagement, c'est aussi l'anticolonialisme, intimement lié au journalisme de combat, avec la création de France Observateur (ancêtre du Nouvel Obs) en compagnie d'une autre figure de la «deuxième gauche», Claude Bourdet. Rétif à la SFIO, impliquée jusqu'au cou dans la guerre en Algérie, il est l'un des pères du PSU (Parti socialiste unifié) en 1960, où prédomine la figure de Pierre Mendès-France.
Finalement, il rejoindra le PS en 1972, un an après la prise du parti par François Mitterrand. Ainsi qu'il le narre dans l'Observateur engagé (Libération du 1er décembre 2004), il rêve d'apparier «la morale en politique» et les «calculs stratégiques et tactiques». Un songe qui visait François Mitterrand, à propos duquel il écrit : «Il ne m'aimait guère et je détestais ses ambiguïtés.» C'est pourtant ce même qui, devenu président de la République, le nommera ambassadeur de France à Rome.
Beau-père d'Alain Krivine, fondateur et porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire, Gilles Martinet, né petit-bourgeois, avait embrassé la cause communiste dans les années 30. Dévoyée par le stalinisme, il l'abandonna pour consacrer son combat à la lutte contre tous les totalitarismes.